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le mystère du Papilu

Le Papilu, vous vous souvenez ? C’est le caseyeur qui a fait naufrage le 5 décembre 2013 aux abords de Saint-Quay-Portrieux.

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Les circonstances du naufrage, en résumé, d’après le récit de l’équipage rescapé :

Peu après minuit, alors que le Papilu navigue à une vitesse de 12 noeuds, le capitaine et le matelot ressentent un choc sur tribord. Après avoir stoppé et inspecté le compartiment moteur, le capitaine reprend sa route. Un quart d’heure plus tard, le bateau arrive sur la zone de pêche et le matelot gaffe la bouée pour remonter le bout. Le bateau prend de la gite à tribord. Le capitaine constate que le compartiment moteur est noyé et que le bateau s’enfonce, il comprend qu’il n’y a plus rien à faire, il met à l’eau le radeau de survie et embarque avec le matelot, en même temps qu’il jette à l’eau la balise COSPAS-SARSAT.

Les deux naufragés sont repérés et secourus à 3h15 par la vedette de sauvetage SNS 156 de la station SNSM de Saint-Quay-Portrieux.

L’épave est renflouée le 11 décembre et ramenée sur l’aire de carénage du port d’échouage de Saint-Quay-Portrieux, d’où elle n’a pas bougé depuis.

BEAOuest France, dans son édition du 26 juillet 2014 et le Télégramme, dans son édition du 9 août 2014, évoquent une enquête de gendarmerie et un naufrage suspect. Alain Le Coz, le vice-procureur de Saint-Brieuc, soupçonnerait “un cas de baraterie”, c’est-à-dire une fraude à l’assurance.

Le Bureau d’enquêtes sur les événements de mer (BEA mer), dans un rapport, publié en septembre 2014, écrit dans ses conclusions :
“ La présence d’un nombre significatif d’impacts circulaires autour de la perforation reste inexpliquée.
Aucune trace de ragage n’a été constatée sur la coque alors que le navire faisait route à 12 noeuds au moment du choc.”

2015-04-07 15.12.39RJ’ai pris une photo de l’épave le 7 avril 2015. Autour de la voie d’eau, on distingue deux types d’impacts : les impacts circulaires cités par le BEA Mer, mais également des traces oblongues correspondant à des impacts en direction de la proue.
Le choc contre une roche à une vitesse de 12 noeuds aurait provoqué une déchirure longitudinale et des éraflures, dues au ragage, dans le sens de la proue vers la poupe.
J’imagine pour ma part l’action d’un marteau avec une extrémité pointue, comme un marteau de géologue ou de maçon, tenu de la main droite, le bras décrivant un mouvement dans le plan horizontal, de gauche à droite. L’accumulation des coups aurait fragilisé la coque en aluminium et provoqué la brêche.

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marteau de maçon

Dans la première partie de son rapport, dans le chapitre consacré aux “faits”, le BEA cite, sans mettre de guillemets,  la version du capitaine et de son matelot. Les déclarations de l’équipage ont-elles été corroborées par d’autres observations ?

Supposons que le capitaine-armateur ait décidé de couler volontairement son bateau, par la méthode qui consiste à percer la coque à coups de marteau. Comment procède-t-il ?

1) Il fait échouer le bateau sur un banc de sable à marée basse, il descend et crée une brêche avec un marteau, juste au-dessus de la ligne de flottaison. Lorsque la mer remonte et que le bateau flotte à nouveau, il rejoint un point d’amarrage et en s’aidant d’un bout, il fait giter le bateau de façon à ce qu’il embarque de l’eau… oui, mais même si le jour de l’accident correspond à marée de vive-eaux, ça ne colle pas au niveau horaires : en effet, la basse mer était à 2h36. Solution à éliminer, donc.

2) Il ancre le bateau quelque part en eau profonde, il met le radeau de survie à l’eau, il l’amarre au bateau et depuis le radeau de survie, il fait un trou dans la coque avec un marteau… pas facile, de percer une coque en pleine mer, la nuit, depuis un radeau de survie… J’élimine cette solution.

3) Il fait un trou dans la coque le jour J-1, il colle une plaque d’aluminium avec du silicone, et le jour J, il retire la plaque et les traces de silicone… compliqué, et il était beaucoup plus simple de foncer droit dans un récif à peine vitesse.

Aucune de ces solutions ne me satisfait, le mystère reste entier, qu’est-ce qui a bien pu causer cette brêche ?

Je ne dispose pas d’autres informations que celles que j’ai pu trouver sur internet et des photos que j’ai prises de l’épave. Et de fait, si j’avais eu des informations émanant des autorités, mon devoir de réserve m’aurait interdit d’écrire cet article.

Tout le mystère dans cette affaire tient à cette voie d’eau qui ne colle pas avec le choc présumé.

Je ne pense pas que le BEA mer ait fait des prélèvements sur la coque, ce serait indiqué dans le rapport. Il aurait été judicieux, pour les besoins de l’enquête de gendarmerie, de prélever la partie de la coque correspondant à la voie d’eau, de façon à la mettre à l’abri des regards, des intempéries, des dégradations, et de façon à analyser en laboratoire la surface de la coque : les impacts doivent ou devaient certainement présenter des traces des matériaux qui les ont provoqués : acier ou inox s’il s’agit d’un marteau, minéraux s’il s’agit d’une roche. A-t-on ouvert la coque pour examiner si de la roche avait pénétré dans la double coque ? A-t-on analysé cette roche pour déterminer sa provenance ? L’enquête est-elle encore en cours, ou l’affaire est-elle classée ?

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